Le littoral est un milieu particulier, présentant des propriétés physiques et biologiques qui lui sont propres (morphologie etc .. …). Ses frontières ne sont pas uniques, ni figées mais évoluent en fonction des dynamiques physiques et de l'usage qui en est fait.
Interface et espace de transition entre la terre et la mer, le littoral remplit à ce titre de multiples fonctions. C'est une zone réceptacle des processus à la fois amont, (mi-pentes et les hauts) et aval et (en mer). Il assure ainsi un rôle de filtre et de tampon majeur, vis-à-vis des milieux marins et littoraux.
Différentes morphologies à l’origine d’une diversité paysagère et biologique à préserver
4 grands types de morphologies côtières se sont formés à La Réunion, sous les effets conjugués du volcanisme, de l'érosion torrentielle et marine. Cette variété dans les frontières terre-mer constitue en soit une richesse paysagère et biologique. Elle est également à l’origine des usages diversifiés de l’espace. Sont ainsi distinguées :
les côtes rocheuses, qui regroupent falaises et plate formes rocheuses. Elles sont majoritaires sur l'île, couvrant 43% du linéaire côtier. Il s'agit essentiellement de falaises, des deltas de lave, ou de plate-forme d'abrasion, le plus souvent de type basaltique, témoignage directe de l'activité volcanique (Cap La Houssaye, Cap Méchant, souffleurs de St Leu, …) ;
les côtes alluvionnaires, avec les cordons de galets et les plages de sables noirs. Présentes sur 32% du littoral, elles sont constituées des sédiments produits par l'érosion des massifs volcaniques et amenés par les rivières et ravines (baie de St Paul, Étang Salé) ;
les côtes coralliennes, aux plages de sables blanc. Une faible partie du littoral, 7% du linéaire se caractérise par la présence d'un récif frangeant, accolé à une plage de sable blanc. Les récifs se développant à l'ouest, on retrouve ces formations principalement dans l'ouest de l'île (Lermitage, la Saline, Saint Leu) , et dans une moindre mesure dans le sud (Grande anse) ;
enfin 18% des côtes sont artificialisées intégralement. Les enrochements nécessaires aux grandes infrastructures forment la majeure partie de cet état (Route du littoral, Barachois, port, aéroports ...)
Le littoral dans sa partie marine présente de nombreux habitats remarquables et pour certains uniques (récifs coralliens notamment, cf. Fiche milieux marins et littoraux). Les récifs coralliens sont connus pour leur grande biodiversité et leur fonction protectrice. Côté espèces, parmi les espèces marines protégées, la présence des tortues marines sur les plages réunionnaises, venues pondre constitue un enjeu écologique. Cette présence semble liée à celles d'espèces végétales sur les hauts de plage, soulignant ainsi le lien entre la terre et la mer et l'importance de sa prise en compte.
Le littoral réunionnais terrestre présente des valeurs paysagères et écologiques importantes. 16 séquences paysagères homogènes ont ainsi pu être identifiées, résultant à la fois de la géomorphologie originelle, et du façonnage par l'homme (colonisation, agriculture puis urbanisation). Son intérêt écologique repose à la fois sur :
des espaces à caractère remarquable classés, à préserver : grandes entités patrimoniales de La Montagne, Le Grand Brulé, le cap Lahoussaye, massifs forestier d'étang salé et mare longue, milieux humides de Bois Rouge, St Paul, du Gol, certains linéaires côtiers, rivières ou ravines pérennes. Sur les 900 ha protégés par les acquisitions du Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres, sur 16 sites, 112 espèces endémiques, rares, menacées ont été recensées. Les inventaires réalisés en 2011 sur le littoral, partie terrestre, ont permis de recenser 246 espèces végétales. Ainsi, replacé dans un contexte régional, le littoral réunionnais possède environ 14,2 % de la richesse spécifique globale de l’île ;
des espaces de continuité écologique en prolongement des espaces naturels remarquables du littoral qui forment des corridors écologiques ;
des espaces naturels agricoles ou naturels, présentant un caractère de coupure d’urbanisation, assurant des fonctions diverses.
En matière de paysage et sites, la bande littorale porte des sites emblématiques comme : la Grotte des premiers français, le site du Lazaret, le phare de Sainte Suzanne, qui sont classés. au plan architectural ou patrimonial.
Un espace convoité et fortement anthropisé
Le taux d'artificialisation du littoral réunionnais est le plus fort des DOM : près de 40% des terres situées à moins de 500 m de la mer sont artificialisées (zones urbanisées, industrielles, commerciales, réseaux de transports, mines etc - Corine Land Cover - CLC 2006). La concentration des aménagements sur le littoral et les mi-pentes fait peser des pressions fortes et multiples sur les milieux et les ressources de cet espace.
De part la morphologie de l'île, l'espace littoral comprend la quasi-totalité des pôles urbains de l’île, qui structurent le fonctionnement de tout le territoire. Il accueillait ainsi près de 60% de l'urbanisation en 2006, avec un déséquilibre est – ouest. La zone ouest est, de par sa position géographique, moins soumise aux intempéries et aux pluies et possède un plateau volcanique (planèze) moins abrupt que sur la façade est. Ceci a facilité l’aménagement du territoire et la construction de logements : la densité de la façade ouest, dont la superficie représente les deux tiers de celle de la façade est, est de 449 hab./km² ; celle de la façade est n’est que de 295 hab./km² ( contre une densité moyenne sur l'île de 332 hab/km²).
La bande côtière concentre aussi les grands ouvrages structurants de l'île : Port Réunion, aéroports de Pierrefond et Gillot, infrastructures de transport, projet de basculement des eaux, ainsi que les principales activités économiques : grandes exploitations agricoles des plaines, périmètre irrigué, industries agroalimentaires, activités touristiques et de loisirs, structures d'hébergement, pôles logistiques… L'espace littoral est la porte d'entrée et de sortie de l'île, quelque soit le mode de transport, maritime ou aérien. Avec le développement prévu des énergies marines, cet espace est stratégique pour l'acheminement ou le stockage de l'électricité. Son aménagement permet aussi l'exploitation des ressources naturelles maritimes : pêche, aquaculture…
La fréquentation des espaces littoraux à des fins de loisirs s'est très largement développée depuis les années 60. Au-delà de l'activité de baignade, le littoral est source d'activités de loisirs et touristiques diversifiées : promenade sur terre ou en mer, plongée, pêche au gros, déjeuners dominicaux, etc... Les Réunionnais profitent largement et de plus en plus des atouts de cet espace, atouts à protéger et à mieux valoriser puisqu’ils contribuent directement à la qualité de vie de la population et à l'attractivité touristique de l’île. Les collectivités l'ont compris et développent des aménagements facilitant les usages balnéaires, leur diversité, dans un esprit de conciliation des différents usages. Enfin, le littoral reste le témoin d'activités traditionnelles qui marquent la culture réunionnaise.
La valeur économique du littoral repose aussi sur les services rendus au titre de ses fonctions de filtre et de tampon, notamment vis-à-vis du milieu marin. Cette valeur est cependant que peu évaluée et donc exploitée. Pourtant, le relief accidenté de l’île engendrant des transferts rapides (matières en suspension, polluants) vers la mer, les fonctions de filtre de la zone littorale terrestre permettent de préserver les milieux marins (récifs coralliens). Inversement, le littoral fait office de tampon vis-à-vis des milieux amont, contre les phénomènes naturels marins type houle, vague, marées …
Enfin, cet espace présente aussi des ressources en eau et en matériaux stratégiques (Cambaie, Pierrefond...) au regard de sa dynamique de développement, à valoriser de façon plus durable dans un contexte de forte pression foncière.
Un espace dynamique, à l’équilibre fragile
Les littoraux sont des milieux en constante évolution et leur évolutivité naturelle doit être acceptée et non contrariée ni accentuée. Or, par nature, ils conjuguent les conflits d'usages les plus marqués et les pressions les plus fortes. Les littoraux réunionnais n'échappent pas à ce constat.
Le littoral réunionnais, en particulier dans l'ouest, est soumis à une conjonction d’aléas naturels : houles cycloniques, houle australes, marées de tempêtes, entraînant un risque de submersion marine. Les interfaces des eaux marines, torrentielles et pluviales sont les plus vulnérables aux catastrophes naturelles : Étang Saint-Paul, Ermitage, Saint-leu, Étang-Salé, Sainte-Suzanne et Saint-André, avec des expositions fortes des biens et des personnes aux risques d'inondation. La vulnérabilité est bien souvent renforcée par des pratiques de construction en zones sensibles.
Le trait de côte à La Réunion est naturellement très sensible à l'érosion du fait de la conjonction des vents, des courants, de la houle et des dynamiques sédimentaires des rivières. Cette érosion naturelle est accentuée par l'urbanisation et les aménagements du trait de côte ou amonts, qui par artificialisation des terres modifient les dynamiques hydro-sédimentaires. Cette érosion est particulièrement prononcée sur les enjeux bâtis de la côte Ouest – Sud-ouest. Sont ainsi constatés un recul de falaises dans le sud sauvage et un recul des plages de l'ouest. 50% des côtes sont en érosion, avec une hétérogénéité de l’aléa et des risques générés. En revanche, 43% des côtes sont stables ou à l’équilibre et 7% des côtes sont en engraissement.
Sur les 19 communes qui possède une façade littorale, 17 communes sont concernées par un Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL). On compte prés de 3 000 bâtiments d’habitations soumis à un aléa côtier, ce qui représente environ 10 500 personnes.
Face à l’exposition à l’aléa côtier, la prescription du PPRL répond à plusieurs objectifs :
prendre en compte le risque de submersion marine dans les documents d'urbanisme ;
garder en mémoire l'historique des événements de submersion marine ;
définir des actions de prévention individuelles ou collectives.
Le relief accidenté de l’île engendre des transferts rapides vers la mer : les littoraux réunionnais sont particulièrement concernés par les pollutions liées aux transferts de sédiments, de matériaux, des polluants, d’hydrocarbures...Les nappes littorales font l’objet de prélèvements conséquents pour répondre aux besoins en eau potable, pour l’industrie et l’irrigation. Or, elles sont particulièrement vulnérables aux intrusions salines (Ouest et sud de l’île, du port à Saint-Philippe). Le littoral est un espace est aussi sensible aux changements climatiques et son équilibre sera directement modifié par le niveau de montée de la mer par exemple, ou l'augmentation de la fréquence des événements extrêmes.
Ces différentes pressions : pollutions, modification hydrosédimentaires, aléas naturels, prélèvements des eaux, artificialisation des sols, sont directement supportées par les milieux naturels littoraux terrestres/marins, et par les hommes. Ainsi, en matière de biodiversité, une part importante des espèces exotiques s’installent sur cet étage de végétation : 58 % des espèces présentes sur le littoral sont des espèces exotiques, 1/3 des taxons exotiques recensés, sont potentiellement envahissants. Du fait du défrichage et de la mise en culture des espaces naturels et de l’urbanisation, une part importante de la végétation primaire, surtout en bord de mer, a été détruite. On estime cette perte à 70 %, La qualité des masses d'eaux côtières au sens de la directive cadre sur l'eau est généralement moyenne, mais les données sont encore incomplètes. Les transferts terre – mer ont des impacts directs sur l'état de santé des coraux. Les aléas naturels peuvent avoir des effets destructeurs pour les biens et les personnes.